Récit de quelques aventures...

du premier parcours de la caravane permanente
jeudi 3 février 2005
 

La caravane permanente, c’est un espace de vie et d’action nomade, avec des équipes temporaires qui souhaitant diffuser et expérimenter des dynamiques anti-autoritaires, autonomisantes et anticapitalistes, autant qu’apprendre de multiples lieux, fermes, villes, villages, individus et collectifs. C’est aussi vivre des trucs dingues avec ses ami-e-s et s’en faire de nouveaux-elles. Cela faisait deux ans que l’on en discutait au sein du non-réseau sans-titre. On a finit par essayer. Voici un récit très subjectif des préparations et aventures du premier parcours de la caravane permanente. Il s’agit de bouts de carnet de bord et de correspondances personelles, Ca vaut ce que ça vaut pour se faire une idée, et je l’espère, donner envie de continuer par d’autres chemins. Je ne parle pas trop personellement des gentes que j’aime et avec qui j’ai vécu ces aventures, même si cela me ferait très plaisir, parce que je ne suis jamais sûr que ce soit bien et que elles/eux en aient envie. J’espère néanmoins que tout cela ne sonne pas trop impersonnel ou égocentré. C’est très partiel parce qu’il y a trop de choses à raconter pour que cela tienne et que l’on ne peut pas tout raconter non plus.

Je ne m’exprime pas au nom de la caravane permanente, surtout pas au nom des autres caravaneureuses et ne jure pas de ne pas dire que la vérité.

Départ d’un des tronçons de la caravane permanente de Jondi le vendredi 14 mai 2003

On ne pensait jamais que ça allait tenir : des vélos, quelques centaines de petits plants de tomates, salades, bettes et thyms, des paquets de casseroles, de tentes, de brochures, de graines, de peinture, de bâches, des instruments de musiques, des outils et encore milles choses enfermées dans des malles. Après une partie de tetris géants et une douzaine d’heures pour tout rassembler à travers les hangars et recoins et compiler le tout...cela finit pourtant par tenir dans la camigonette qui part pour rennes et le dernier chantier avant départ de la caravane permanente. On arrive tout lentement à faire des bisous d’au revoir à nos ami-e-s, à la maison et au potager pour repartir sur la route et traverser la france d’est en ouest cette fois. (on espère généraliser les navettes intersquats est-ouest l’an prochain) .Les ami-e-s et le squat, c’est à la fois excitant et compliqué et comme je n’ai pas vraiment dormi depuis 2 jours tout me semble beau et ultra-émouvant. Je suis traversé par une éternelle contradiction interne entre le fait d’établir des structures à long terme pour les luttes et nos vies, des points d’ancrage sur lesquels il est possible de compter et de revenir, et puis l’excitation du nomadisme, de l’offensive et du bouillonnement là où ça se passe, du plongeon dans la diversité des lieux, pratiques, actions et individu-e-s. je veux tout et je crois que c’est de toute façon la balance entre les deux qui est dynamique.

Après avoir imprimé quelques centaines d’exemplaires du nouveau bulletin sans-titre au local libertaire, mes deux compéreuses de départ et moi quittons dijon dans une ambiance sinistre de victoire de foot et d’élan de beauferie alcoolisée massive dans les rues de dijon. Tellement absurde qu’un des seul moments où les rues se couvrent de bruit dans cette ville bourgeoise de merde soit pour célébrer la passivité, le spectacle, la virilité et le chauvinisme. On roule ensuite pendant une douzaine d’heure encore et c’est un de mes moments préférés dans la vie. Les voyages en camigonette se ressemblent parfois : une écoute attentive (je finirai par y arriver aussi), paranoïaques de divers bruits annonciateurs potentiels de panne dans la vieille carcasse pétrie de pistons, durites, boulons et tremblements. Des conversations interrompues par des arrêts fréquents pour plonger avec dégoût et délectation ses mains dans les poubelles des divers supermarchés et trouver de vieux légumes ou diverses daubes préfabriquées...

Au petit matin, le soleil se lève sur des murailles parsemées de coquelicots, de vieux châteaux et la Loire pleine de brume. On alterne entre l’écoute de vieux chants révolutionnaires et la lecture collective d’un roman d’amour lesbien. Une fiction ultra-romantique dans le milieu anglais du music-hall au siècle dernier, sur laquelle F a craqué et qu’il veut absolument nous faire partager : "Caresser le velours". Cela fait des années que je n’ai pas lu de romans comme cela (ils étaient habituellement plutôt hétéros) et c’est plutôt rigolo, même si le manque de sommeil fait sauter ma voix, les mots et m’entraîne dans des pensées incohérentes au milieu des belles robes, des huîtres et des caresses.

Quand on arrive aux troglos, espèce de village de hobbits avec des habitations dans des grottes avec des tunnels, vitraux, arches sculptées, labyrinthes et passages secrets au milieu d’une forêt, il est neuf heures et beaucoup de gentes sont déjà debout et en train de s’affairer. A la dernière rencontre sans-titre a été lancé l’appel du jardin, une idée de week-end autour de l’autonomisation alimentaire et médicale, des offensives contre l’industrie agro-alimentaire, des potagers collectifs et des gentes qui font des choses avec la terre et les petites plantes. Du coup des personnes de nantes, de rennes, de paris ou de grenoble sont déjà rassemblées depuis une journée.

Guerilla à Angers...

On apprend assez vite qu’il nous est proposé d’être a midi à Angers pour une action de Guerilla jardinière. On sort donc du camion les plants que l’on a amené pour les mettre dans un autre van et on court dormir une heure sous un dôme ensoleillé ou dans la grotte aux amoureux avant d’être réveillé brusquement par des ami-es que l’on a pas vues depuis longtemps, des cris, et des tartines au chocolat. La lumière et la châleur font chanceler. Juste le temps de prendre un peu de guarana, quelques habits de manifs, de la propagande et des machines à bruits, de s’enfourner avec une dizaine d’autres personnes dans un cube violet et et de partir pour angers.

L’appel "sème ta zone 2004" propose que des actions de guerillas jardinières se multiplient au printemps... Au final, il y en a eu une lors du Festival de résistance au capitalisme (FRAKA) de grenoble, il y a deux semaines et c’est maintenant au tour d’angers. De cet appel un rien enflammé sont nées diverses polémiques sur la pertinence stratégique de la guerilla jardinière. Certain-e-s la mettent au rang d’agitation symbolique et spectaculaire ne risquant pas de faire chanceler l’industrie agro-alimentaire, tandis que d’autres y voient une pratique réellement offensive de laquelle peut naître des projets de potagers occupés à long terme, l’entretien de pratiques potagères chez les urbains, aussi bien qu’une réflexion concrète sur les possibilités d’autonomisation alimentaire et les politiques d’urbanisme... Toujours est-il que l’appel insiste sur le fait que la guerilla puisse ne pas durer un seul jour, mais être un départ pour des espaces collectifs. Il semble que ce soit bien le but de cette journée à angers... On arrive sur une place assez vide avec un kiosque à musique et une trentaine de personnes autour. Des pots et plaquettes pleins de petites plantes jonchent le sol, des brouettes sont remplies de pioches, pelles, peintures et panneaux. Un lettrage en couleur sur fond argenté annonce : la " betterave rouge et le radis noir vaincront le capital". Le rassemblement commence par une bouffe, mais je préfère ne pas manger encore pour ne pas m’endormir. Un petit briefing d’action en cercle sur le kiosque se fait, mais sans que masse d’informations pratiques sur l’organisation de l’action et ses objectifs, ni d’infos légales de base ne soient vraiment creusées. L’ambiance est bonne et une bonne partie des personnes présentes semblent s’être préparées activement ou avoir participé à l’organisation. Divers petit groupes sont arrivés pendant le repas et l’on part à une centaine dans les rues en musique. On est rapidement suivis par quelques policiers en voiture (angers est apparemment une ville répressive expérimentale avec tout un tas d’écoles et de corps de police entousiasmants). On arrive dans un premiers parc autour duquel des gamins font du skate ou jouent au foot et c’est là que commence la ruée enfièvrée de la guerilla jardinière : quelques dizaines de personnes s’appliquent à retourner la terre et à planter dans tous les sens en privilégiant les endroits ou cela risque de rester. Des petites pancartes sont enfouies dans le sol avec les noms des variétés plantées. On s’entrapprend ce qui a des chances de pousser, à quelles distances les unes des autres et comment repiquer, le fait que les gens d’ici appellent les "bettes" des "cardes" et à reconnaitre les pousses. Ca se met un peu speeder parce qu’un groupe de flics est descendu de bagnole et essaye de s’immiscer dans le groupe un peu dispersé.Quelques menus messages appelant à s’autonomiser et à brûler les supermarchés ont été malicieusement écrits au marqueur sur notre passage. On se rend assez vite compte qu’ils cherchent quelqu’un-e et on prévient rapidement cette personne du danger qu’il/elle court. Les flics commencent néanmoins à l’attraper par le bras et à se rassembler autour de lui pour un soit-disant contrôle d’identité en disant que des dégradations ont été commises. Mais on le rechoppe instantanément et on le tire vers nous pendant que les autres manifestant-e-s se rassemblent pour le protéger des flics et immobiliser les policiers. La dé-arrestation est rapide, efficace et relativement calme. Les flics commencent à s’énerver et à menacer, mais ils sont rapidement submergés par une centaine de personnes qui crient et tapent des pieds autour d’eux, avec leur coupable qui a disparu transformé en touriste américain. Ils rebroussent chemin penauds. Les gamin-e-s qui jouaient au foot crient aussi et cela fait plaisir qu’ils/elles aient vu un exemple de solidarité collective qui marche face à la police. (....) On traverse le fleuve pour arriver à une fête de quartier, il y a une ligne de jardinières vides que l’on remplit de terre, de terreau et de divers légumes et plantes arômatiques. Plein de gens se regroupent, réagissent, applaudissent. Je pense que certain-e-s sont perplexes et se demandent si on est pas des artistes, une animation de la ville ou une bande d’allumé-e-s échappés de la gay pride qui avait lieu en même temps. Il y a peu de prises de paroles collectives explicites, mais là où des conversations interpersonelles s’engagent, le message passe et on a quand même un petit tract qui expose la démarche et s’attaque à l’industrie agro-alimentaire. Finalement, nous aboutissons tant bien que mal au but secret sans que la police ne fasse opposition : un terrain en friche assez luxuriant casé au milieu de quelques barres d’immeubles. L’espace est abandonné depuis 10 ans et doit servir dans les années à venir pour la construction d’une maison de l’environnement. L’idée est de le garder et d’en faire un grand potager collectif. L’enjeu est de taille et permet de donner à la guerrilla jardinière une perspective plus concrète. Aussitôt arrivé, des dizaines de personne s’affairent pour une partie de kolkhoze autogéré. Le sol est plein de caillous et de briques, mais qu’importe. En quelques heures, un travail énorme est fait et diverses parcelles apparaissent. Des personnes vont dormir dès la première nuit sur le terrain et un rendez-vous est pris dès le mercredi pour un repas de quartier sur le potager. En face, un théâtre a invité un millier des ses adhérents pour fêter sa destruction avec fanfare et feux d’artifices et l’ambiance est assez décalée.

Juste avant de partir, quelqu’un m’invite à parler à une jeune type qui veut comprendre ce qui se passe. Il habite dans le quartier est étudiant en agriculture et est complètement subjugué. Il faut un peu de temps pour qu’il assimile que "non, on a pas demandé à la mairie, mais que ce n’est pas pour cela que l’on ne va pas rester" et que l’on est pas ici pour se faire chacun-e- une parcelle individuelle avec nos plantes, mais des espaces et légumes collectifs. Il rêve de disposer d’un espace pour expérimenter, planter des fleurs et légumes mais n’aurait jamais osé en prendre un de cette manière. Il veut revenir y travailler et ses potes aussi. Juste de quoi se gonfler d’un peu d’optimisme avant de repartir dans la nuit tandis que d’autres installent un campement sur place.

Repérages... Nantes ...

On est acceuilli à nantes à l’Usure un ancien squat conventionné par la mairie et menacé d’expulsion dans quelques mois. Les gens qui y habitent essaient d’y relancer un bar et des activités publiques. C’est une super vieille maison dans un quartier populaire en voie de gentrification. Il y a plein de petites pièces, couloirs et réduits auxquels on accéde par les toits. J’adore... La pré-équipe caravane dîne ensuite avec une partie des personnes qui veulent nous acceuillir sur Nantes et St-nazaire afin de se mettre au courant de l’actualité des luttes locales, de la préparation du campement no border de rivesaltes cet été et d’établir quelques plans d’activités et d’actions pour notre passage en juin. Il y a masse d’idées... Au milieu de la nuit on part escalader des locaux de supermarché pour faire des poubelles et on remplit le camion de cageots de mozarella, de légumes et de gâteaux variés. (...) On se réveille dans un appart collectif où logent une partie du crew indymedia et des potes squatteur-euses de nantes récemment expulsées. Je goûte au bonheur d’être dans un lit inconnu sous une veranda au soleil. Le petit déjeuner teste encore les limites de notre corp et on surfe sur l’intoxication alimentaire en goûtant diverses daubes périmées depuis quinzes jours. Les doo wap au chocolat me rapellent avec nostalgie les goûters avec les mômes du centre social.

Sur le frigo de la cuisine trône un tableau de tâche extrême que je retranscrit ici pour les annales des étrangetés du formalisme en marche : la même tâche est faite par une personne, pendant une semaine et il y a trois tâches différentes, du genre F fait la vaisselle, le ménage du salon ou la cuisine pendant une semaine complète.

Suite à quelques petites tensions avec F et E, on passe une partie de l’après-midi à discuter de l’investissement sur la caravane, de comment on arrive à se faire confiance les un-e-s et les autres pour mener à bien des tâches, des rôles de pouvoir qu’entrainent certaines tâches comme la prise de contact avec les gent-es qui nous acceuillent, si ce n’est pas partagé et décentralisé, de la spécialisation, de la gestion des départ collectifs et du temps, du mélange entre les moments de formalisme et de réunion et du reste de la vie... Cela apaise d’en discuter posément, de vider son sac, de s’engueuler un peu et d’en rire aussi. Il nous reste à faire le tour de diverses maisons et ami-e-s pour amasser un peu plus de matériel. Cela nous permet de rencontrer la mère d’un pote qui bosse dans une école freynet dans une cité de rennes et avec qui l’on reparle de l’expulsion imminente de 82 familles logées à Nantes (environ 300 personnes) hors du territoire français, des possibilités de les aider à occuper des lieux vides pour qu’elles se logent et des actions de solidarité à envisager.

Vient ensuite un moment hyper emo sur les ruines encore fumantes de la Poudrière, ancien théâtre squatté ou F a passé l’hiver et où est née une expérience collective passionée. Il n’en reste que les murs de façade, encore pleins de couleurs et de messages, encerclant un énorme tas de poutres, pierres et débris, jonchés de souvenirs. Un tractopelle trône encore là au milieu. On erre un moment... Je ressens cette immense rage de les voir pouvoir reprendre et détruire les espaces que l’on arrive un tant soit peu à libérer de ce monde de merde. Cela me renvoie à de vieux souvenirs d’autres maisons détruites et puis d’un jour funeste ou je rentrai de prague pour trouver le lieu que nous avions passé deux ans à construire ravagé par un incendie volontaire, et ma vie pleine de reste d’extincteurs et de cendres. Tant pis...on se battra pour d’autres encore...

On rencontre un voisin qui erre lui aussi, a filmé la destruction et veux nous interviewer. Il aurait aimé que les squatteureuses restent. Des voisins cathos-fachos se font incendier du regard ou insulter. On reprend une carcasse de vélo, un petit meuble rouge de chambre avec une glace, et une peluche écrasée sous la roue du tractopelle. On s’en va avant qu’ils n’appellent les flics.

Nous arrivons dans un squat de rennes assez tard mais des pizzas cuisent encore dans le four à pain et il y a pleins de vieux ami-e-s et des nouvelles têtes. C’est là que va se dérouler pour les dix jours à venir le dernier chantier de préparation avant départ de la caravane permanente.

Chantier de préparation à Rennes...

On commence à organiser le chantier, nettoyer des bouts du lieu pour se faire une espace d’atelier et entreposer le matériel. A midi tous les jours, il y a la meilleure déchetterie du monde, avec un panneau d’”interdiction formelle d’entrer”, un énorme trou dans le grillage juste à coté et une dizaine de personnes, roms, squatteureuses, collectioneur-euses ou débrouillard-e-s, qui attendent à la queuleuleu chaque moment de pause des employé-e-s ou de fermeture pour se ruer dans les bennes et en ressortir des trésors.

C’est aussi le quartier du squat de la playa, une vieille friche industrielle démantibulée qui fait un peu far-west avec ses grands espaces, carcasses de voiture, entre la rivière la Vilaine et la voie ferrée. Je passe avec N à la playa, squat de bricoleurs/euses mécano fous et géniaux, pour prendre des nouvelles du camion de la caravane, qui y est entreposé depuis notre dernier chantier de fèvrier, et savoir si on pourra utiliser leur espace pour de la mécanique. Des étincelles et bruits crépitent dans tous les sens avec de la musique hyper fort en fond sonore. On rencontre G qui est en train de réaliser un prototype de moteur pantone (moteur à eau avec 90 pour cent en moins de gazoil) et nous explique sa réalisation en long et en large. Cela fait plusieurs semaine qu’il bosse sur ce petit chef d’oeuvre de soudure, de bricolage minutieux et de calculs. Malgré les cours d’autonomisation mécanique de E et un peu de pratique, je ne comprend toujours pas la moitié de ce qu’il explique, même si je m’accroche. Cela fait déjà des semaines qu’il y bosse et il va continuer les essais sur le prototype pendant plusieurs semaines encore. Je suis subjugué que l’on puisse trouver ici de tels savants fous monomaniaques, tout jeunes et cachés derrière une grande barbe et des dreads. Il est quelques part à milles lieux d’un certain activisme militant éparpillé entre des dizaines de projets, et dans l’état d’esprit Do It Yourself, pas si loin en même temps. On finit par retrouver notre 207 au milieu d’un champ de camions et de caravanes, et à coté d’un lama qui nous fait faire un bond de surpise en arrière puis mourir de rire.

On rentre par un petit chemin secret intersquat qui longe la Vilaine d’un coté, et des jardins ouvriers avec des cabanes et installations de récup où l’on retrouve la moitié de ce qui sort tous les jours des bennes de la déchetterie. On trouve dans les fossés de la camomille, de l’avoine et du plantain que nous cueuillons pour la pharmacie anticapitaliste de la caravane. C’est le printemps, cela pousse de partout et ça sent bon, encore plus au milieu de ces vieilles usines en ruine.

Dans l’autre maison, l’effervescence règne entre préparation d’actions et ouverture imminente de nouveaux squats. Je passe l’après-midi enfermé dans le labo d’un journal local à développer des photos et trippe grave quand je vois apparaitre des visages et souvenirs dans les bains d’eau écarlate.

Le soir, on est invité chez des potes dans un squat nouvellement ouvert et qui vient d’obtenir 5 mois de délais. C’est la 2e fois depuis peu qu’une telle jurisprudence est gagnée à rennes et c’est plutôt pas mal. Malheureusement ils/elles sont par ailleurs accusé-e-s de vol d’électricité suite à une esclandre avec un, agent d’EDF venu leur couper le jus. Ils/elles vivent dans une maison bourgeoise rouillée avec une friche derrière. Ils/elles ont commencé un potager et on leur apporte pleins de plants de notre propre jardin, alors on passe la fin de journée à retourner la terre et à mettre en place de nouvelles parcelles avec de vieux outils rouillés.

Ce chantier est beaucoup moins consacré à des débats et échanges de savoirs que le dernier, et plus orienté sur la construction des structures de la caravane : transformation, du moteur du 207 pour le passer à l’huile végétale - construction de structures couvertes, de l’infokiosque, de la carpothèque, de la zone de gratuité, des bibiothèque et pharmacie de plantes, - création et réparation de vélos - constitutions de liste et récolte de matériel et d’outils. On peind, coud, trie, cloue et visse en petit comité et en écoutant des compils, et on joue à s’écouter le ventre en riant et à se donner des baffes ou à lire l’histoire de la sexualité de Foucaul et à se raconter nos premières expériences de masturbation le soir. On fait aussi quelques ateliers de théâtre, réfléchissons à diverses forme de théâtre de rue et de théâtre d’action et nous nous essayons à des formes de théâtre forum sur la thématiques des sans-papier ou les questions de genre. Certain-e-s jouent, une personne fait le metteureuse en scène qui demande au public son avis sur la suite des évènements ou des interventions directes. On se relaie. Nous n’avons pas vraiment le temps d’approfondir et de poser les questions aussi subtilement qu’on le voudrait, mais cela donne des idées pour la suite, une petite fiche technique et crée de très chouette trucs entre nous.

Il y a aussi quelques pauses d’activités dans la ville pour redécorer les bus ou bloquer la rue commerçante du centre ville (la fameuse rue le bastard :)) en plein samedi après-midi avec des bandes de travaux publics, labyrinthes, des jeux et un murage symbolique de la maison de l’urbanisme, histoire de faire réfléchir aux politiques de contrôle social, à l’occupation de la ville et à la consommation.

Une relation brève et intense à éclot avec N. C’est bizarre parce que l’on ne sait pas trop quand on se reverra et qu’elle repart plus tard vivre de nouveaux quelques mois en Nouvelle Calédonie où elle bosse sur la condition des femmes. Elle se pose des questions délicates sur sa position d’étudiante en ethno, de féministe occidentale, les modes d’intervention qu’elle peut se permettre sur la domination patriarcale, et les conséquences, aussi souhaitables qu’explosives, d’une émancipation des femmes sur les sociétés locales, dont elle expose par ailleurs avec passion les systèmes complexes et lents de prise de décisions, de dons et d’échanges constants d’objets...la manière dont cela s’ancre dans des traditions que l’on penser pour partie aliénantes, mais aussi comment on peut trouver des inspirations et échanges précieux avec des modes d’existences qui échappent encore pour partie aux standards universels de la consommation démocratique occidentale.

Intermède...

Après une semaine, je pars en stop pour Londres et une réunion de préparation de la conférence de l’Action Mondiale des Peuples qui se déroulera à belgrade après la caravane, puis paris pour marcher une nuit blanche avec une amie, puis Dijon pour un rendez-vous de reconceptualisation de notre projet de vie collective. On se met ensuite sur le bord de la route ave E puis trouvons une voiture qui nous amène directement de Dijon à Rennes devant le squat où la caravane s’apprête à partir.

Le passage à dijon m’a plutôt fait du bien... Après 7 ans d’occupation et de construction du même espace et une certaine envie des habitant-e-s actuel-se- de vivre d’autres expériences ailleurs, nous avons peut-être réussi in-extremis à conjurer encore cette espèce de terrible pente d’usure, d’institutionnalisation ou de renoncement que suivent et dont meurent trop souvent les rebellions et espaces qui cherchent à s’installer dans le temps. On verra...mais on a en tout cas conceptualisé et trouvé des consensus à peu près réalistes sur les bases d’un projet de non-permanence et de transformation et d’aggrandissement du collectif d’habitation. Nous cherchons à pouvoir garder une base arrière et des structures à long terme pour les ami-e-s et collectifs qui le souhaitent (que ce soit pour s’y poser ou pour y faire la révolution), tout en se laissant plus de possibilités pour pouvoir vadrouiller et découvrir ailleurs. On a surtout trouvé un enthousiasme assez partagé à créer ensemble quelque chose de nouveau. Avec tout un tas de questionnements sur le contrôle et l’autogestion à distance. On verra et c’est hyper bien de savoir que cela peut intéresser des personnes que l’on aime ...et puis j’ai pu aussi piquer un bout de nuit aux révisions de P, enfermé chez ses parents, pour qu’on se raconte des histoires et des rêves romantiques.

Départ de la caravane...

Cela fait maintenant quelques jours, et je n’arrive toujours pas à croire que ce vieux rêve de caravane ait finalement démarré...dans une odeur nouvelle de friture, d’amidon et d’autonomie grasse et gluante et en perdant 1 litre d’eau au bout de 200 mètres. J’étais toutefois loin de ces petits soucis mécaniques après une tournée-zombie dans les supermarchés de la ville, et je me suis juste laissé hypnotisé par une compil d’un jour d’anniversaire en m’endormant sur l’épaule de F qui conduit le camion, avec ces morceaux qui passaient en boucle pendant le rangement le jour de notre départ de dijon, et qui me rappellent à des mains et yeux qui jouent amoureusement dans le grand couloir extérieur.

Dans la forêt de brocéliande....

Je sors petit à petit de cette série de conceptualisation de projets collectifs et de soubresauts......pour m’immerger dans l’univers bucolique.

On est donc arrivé avec nos deux camions, « la friteuse » de son petit nom (roulant à 50% d’huile de tournesol de récup) et la « camigonette » dans la forêt de Brocéliande. On vogue ici entre une maison achetée et collectivisée qui nous acceuille, et la ferme-école. La ferme-école, c’est des terrains achetés et collectifs ou des personnes peuvent expérimenter des projets d’autonomisation divers (herboristerie et plantes médicinale, agriculture, potager, autoconstructions...) sans devoir commencer par s’isoler, s’endetter et être tenu-e-s à des contraintes de rentabilité. Ce projet est lié au réseau aspaari (association de soutien aux projets d’automatisation agricoles et ruraux innovants), regroupant des personnes de Bretagne et de Loire atlantique principalement. Aspaari cherche à entretenir tout un tas de pratiques “artisanales” menacés d’oubli ou de disparition par la spécialisation, l’industrie et les nouvelles technologies. L’association regroupe des personnes qui s’entraident, agissent et se battent pour des aventures solidaires au royaume de l’agriculture industrielle, des porcheries et de leurs rejets toxiques, et des concentrations monolithiques.

Ici, on moule des parpaings d’argile et de paille dans les champs en se lisant à tour de rôle catherine baker et son bouquin de remise en cause radicale des prisons et plus généralement des logiques punitives (“Pourquoi faudrait-il punir ?”). Je commence à écrire une brochure, tirée de mes expériences de ces années passées sur la justice et les diverses manières dont on peut gérer et prévenir les situations de violences et d’agressions dans les collectifs et lieux de vie autogestionnaires. On fait des ballades pour apprendre les plantes et des mises en scène caniculaires de jets de pavés en dépierrant la terre avant de semer le soja (jusqu’à ce que M. de la ferme école qui nous regardait faire tranquillement depuis une heure se décide à nous dire qu’il était un peu surpris, “pasque d’habitude ils mettaient ces même pierres en tas pour leurs constructions plutôt que de les balancer bêtement dans les bois”.)

Dans un contraste assez schizophrénique avec mes derniers moments théoriques à rennes (où A m’exposait les liens entre l’art du tao, lacan et la cohésion de groupes en action), on est ici dans une ambiance ou l’engagement politique et subversif des gentes passe par un tas de choses très pratiques comme construire des maisons, donner patiemment des coups de masse pour éclater la roche au fond d’un puit de 6 mètres en se couvrant de boue argileuse, fabriquer de la bouffe, des roulottes ou de l’énergie, passer du temps ensemble à se relationner et plus généralement gratter des espaces à l’industrie alimentaire et à la bourgeoisie agricole bretonne ...cela permet d’appréhender un peu d’autres monde en construction. (et pas mal en résistance aussi parce que le monde réel est très présent et pressant, et qu’ils/elles se font parfois saboter leurs tracteurs ou même détruire leur maisons auto-construites par leur gentils voisins en jeep à qui les entorses au monopole des terres ne plaisent pas des masses...).

Il y a des gentes de diverses générations dans la maison où l’on est accueuilli : une mère et sa petite fille qui travaillent sur la déscolarisation et jouent, un type qui construit une roulotte et nous fait goûter une recette basque constituée de vieux restes de fromages fermentés dans de la gnôle et de l’ail, un jardinier musicien qui passe des heures à improviser sur une guitare sèche ou encore une “déserteuse” qui vit en fabriquant des crêpes sur les festivals et se fabrique son coin d’autonomie le reste du temps.

Du coup on apprend pas mal et on s’entraine à faire les vieux péquenots en butant des patates dans les champs pendant que le soleil se lève, et à cultiver l’art du ragot la clope au bec en fomantant des projets communs. Néanmoins, même si les petits coup de mains et rencontres sont utiles et excitantes, il est clair que la vie ici repose sur des activités qui prennent des mois, un suivi et que notre approche rapide demeure parfois trop superficielle.

Le dernier soir on propose une discussion sur la campagne comme terrain de luttes offensives. Le but est de casser les stéréotypes selon lesquels la campagne serait seulement un lieu d’autonomisation et de retraite tandis que la ville concentrerait les possibilités d’initiatives plus offensives contre l’Etat et le capitalisme. On réfléchit à la manière dont les ressources énergétiques, alimentaires, médicales ainsi que des modes de vie et pratiques qui subsistent parfois à la campagne sont depuis longtemps et toujours plus transformés, contrôlés et intégrés au système marchand. On essaie de considérer la manière dont leur appropriation et leur maîtrise constitue un eneju clef sans lequel toute perspective de changement social est condamné à l’échec car coupée des bases de ce qui peut nous faire vivre et subsister. Dans cette perspective, nous revenons sur les actions directes contre les champs d’ogm qui se sont multipliées en europe ces dernières années, sur les squats ou achats collectifs de terre, ou les campement d’action en milieu rural qui se sont étendus à partir du mouvement massif anglais pour stopper la construction routière dans les années 90. On mentionne des mouvements de sabotage comme les earth first américain ou le Earth Liberation Front (front de libération de la terre) organisé de manière affinitaire, anti-autoritaire et décentralisée et considéré par le FBI comme le plus gros ennemi intérieur aux USA après une série d’attaques sur l’agro-industrie et les centre de recherche ogm, les constructions d’extensions urbanistiques, les locaux des compagnies de déboisement ou d’aménagement touristique. Il s’agissait aussi de dépasser les archétypes antagonistes du jardinier alternatif militant, les pieds sur terre et plus ou moins dans une retraite rurale, et des “guérrièr-e-s” déraciné-e-s et utopistes de la ville, et de chercher les complémentarités et croisement entre les types de militantisme généralement incarnés par les différents types d’espaces.

Les rencontres et activités des jours passés me semblent super utiles et complémentaires avec d’autres moments de ma vie, même si quelque part, je refoule aussi un peu l’espèce de destin tout tracé que se font parfois pas mal de mes ami-e-s squatteureuses des métropoles sur la perspective inéluctable et proche d’une installation à la campagne...J’aime garder ce rapport à la ville comme quelque chose d’assez sain aussi dans une certain volonté de tensions et de coexistences multiples qui lui sont propres.

Sur les routes bretonnes...

La semaine nous a permis de regouper notre crew (4 filles et 6 gars pour l’instant) , de tester notre entente, de finir de réparer nos cyborgs à roulette (JB l’oeuf haha, Old school, Comme ça, Lorette, la Jaille (déchetterie en bretonnant), I love you, Judith, Rution (parce que vélorution) ) et d’organiser le rangement des camions. Au cours des étapes d’une cinquantaine de km par jour, le gros de l’équipe pédale tandis que les camions partent en quête d’un terrain à squatter et commencent à établir le camp du soir. Je n’ai pas dormi la nuit avant le départ pour finir des articles, puis fait du vélo au soleil toute la journée, dévore une omelette de vieux oeufs de récup vers midi, puis vomit subitement sur la place d’un village vers 16h, m’endort nauséeux et balloté en travers sur les sièges avant du camion en me disant que c’est la fin du monde et me réveille deux heures plus tard en parfaite santé dans un champ de foin fraichement coupé au bord d’une rivière avec H qui joue de l’accordéon dans le soleil couchant et un premier montage de campement provisoire sur terrain squatté. Fuck les Lois de Sécurité Intérieure et leur menaces contre l’itinérance.

Le lendemain et pour ne plus devoir longuement départager dans le chaos entre les diverses stratégies de parcours (au feeling ou à la carte, à la beauté du paysage ou à l’efficacité...), on a décidé d’établir un rôle de “guide tournant et incontesté”. Après un espèce de longue faille spatio-temporelle circulaire et au moment où les remarques sur mao et la longue marche commencent à fuser à propos de notre guide spirituel du moment et de son refus radical de méthodes de cartographie moderne, un paysan en chemise de la révolution culturelle apparait avec un rateau, et nous remet sur le droit chemin avec le prochain troupeau de vaches comme repaire puis à gauche...

Je trippe le sentiment de liberté et de fun d’être à dix personnes sur les petites routes, belles et plus fort-e-s que les voitures, à faire des grand “youhou”, des conversations intimes ou à remanier les panneaux électoraux disséminés sur le trajet. Je découvre ensuite qu’il est possible de lire des brochures en roulant, avec une main et les oreilles pour la direction. On prépare donc un petit moment les ateliers juridiques de la caravane à partir du “guide de self-défense”, puis on lit avec M une brochure qui subjugue sur l’histoire du concept de liberté utilisé comme instrument de contrôle social et religieux.

On s’arrête au milieu d’une orée de forêt de sorcière à coté d’un ancien four à pain en pierre et en ruine, rongé par le lierre et les orties. On cueuille donc les orties, puis on remet le four en marche pour les faire cuire pour le repas de midi avant de repartir en vélo dans la forêt. Une partie de gentes s’entrainent régulièrement à cueuillir des plantes sur le bord de la route sans descendre de vélo. L’expérimentation créative de ces périlleuses acrobaties nous amène à définir de nouveaux langages et des expressions qui telle la fameuse “il est aller ceuillir le plantain” est dorénavant couramment utilisée pour “se prendre un grosse croûte à vélo dans un fossé et manger le plantain par la racine”.

En arrivant dans la zone industrielle de nantes, on s’essaie à un des projets de ludicité contemporaine tiré du “receuil des jeux amusants” de tony friesteep et tournons de multiples fois autour de chaque rond-point pour destabiliser les automobilistes avant de reprendre notre route.

Ces entre-étapes s’avèrent un moment privilégié pour se découvrir et faire le point sur nos aventures lors de longues réunions champêtres. Un partie des personnes se connaissent énormément et d’autres pas du tout. J se sent enthousiasmée par cette aventure, mais assez dépressive et mal à l’aise dans certains trucs collectifs comme les repas ou les horaires.On en parle collectivement et individuellement afin que tout cela ne se transforme pas trop en tensions. Quant à moi, je me chamaille pas mal avec F sur de petites bêtises derrière lesquelles se cachent de vieilles histoires passionelles sur lesquelles il faudrait défnitivement que l’on arrive à parler.

Entre les jardins et la ville à Nantes...

Le dimanche 13 dans l’après-midi, la caravane permanente s’installe sur un des champs de foin à sécher des jardins collectifs. K et V nous attendaient et prennent quelques heures pour nous raconter l’histoire du lieu. Quelques ami-e-s de diverses villes, réunies à nantes pour une coordination d’émission de radio anti-carcérales, viennent nous rendre visite. C’est un lieu issu des luttes de chômeur-euse-s de 95, qui alliés à des cultos anars, ont décidé de louer et d’occuper illégalement des terrains à une heure en vélo du centre de nantes, pour produire des légumes bio, lutter contre l’extension des zones industrielles et commerciales, et préserver des ceintures rurales autour des villes. Une cinquantaine de personnes passent régulièrement pour travailler, causer ou récolter. Ils/elles parviennent, sans hiérarchie, à alimenter un certain nombre d’individus et luttes locales avec pas mal de succès. C’est plutôt remarquable vu la complexité de la tâche et la diversité des techniques potagères qui peuvent être mises en oeuvre (nous autres avons déjà du mal à quatre sur notre petit bout de terrain). Aux jardins, on cohabite avec quelques personnes installées en dépanne dans la cabane/cuisine collective et une roulotte, mais on n’est pas acceuilli à l’intérieur d’une structure de vie collective. On s’installe donc un campement relativement autonome. On a des tentes personelles ou partagées, une coin de douche autoconstruite, une endroit pour cuisiner et se réunir, et un auvent collectif tiré à partir de la camigonette qui est très pratique et n’arrête pas de se péter la gueule surtout quand il pleut. On a monté une tente familiale avec l’infokiosque, la carpothèque, les plantes médicinales, la bibliothèque et la zone de gratuité sur le terrain du dessus où les gentes des jardins se posent entre les moments de travaux.. L’infokiosque est magnifique avec ses pinces à linges, matelas pliants avec des poches à fanzines cousues, son mobile avec des brochures qui tombent en cascade et sa cariolle-table de transport.. Ici, le rythme de vie, d’activités et de trajets quotidien ville/jardin de la caravane permanente s’accélère considérablement. On court entre pleins d’activités, on se réunit tous les deux jours pour s’organiser et faire le point et on crée des rôles de “papa-m aman” tournant pour assurer sur les horaires et le rappel des tâches. On fait rapidement une réu de préparation avec le groupe d’acceuil de la caravane : quelques personnes du collectif local anti-carcéral, d’un collectif féministe et d’un groupe non-mixte mecs, quelques ami-e-s squatteureuses et membres d’indymédias, des personnes investies dans l’espace autogéré B17, un très beau lieu en plein centre qui regroupe un tas de collectif, un infokiosque et un espace informatique et sur lequel se déroulent une partie de nos activités. Il ya aussi quelques personnes qui nous ont contacté grâce à l’info publiée sur le site indymédia local depuis quelques semaines. A nantes le milieu militant est assez dense mais aussi assez éparpillé et puis les gentes ont leur vies et activités à coté et ne peuvent pas forcément se rendre disponibles pour les activités quasi-quotidienne que l’on met en place sur dix jours. On publie néanmoins un programme et des tracts et affiches à l’arrache et on participe à quelques émissions de radio anars locales pour présenter le projet. Le premier week-end, on mène en parallèle sur deux jours un atelier juridique et médical avec un petit groupe de personnes qui préparent le campement No Border de cet été. Vu qu’un certain nombre d’entre nous avait activement participé à la mise en place relativement innovante du campement no border de strasbourg en 2002 et préparent la rencontre amp de belgrade, on en profite pour échanger sur les structures décisionelles, la constitution d’équipes juridiques et se raconter de vieux souvenirs de tumultes urbaines. Le soir, on part se ballader dans les chemins et prés alentours avec des ancien-nes des jardins pour récolter des plantes médicinales. C’est dur d’avancer parce qu’il y en a partout. On goûte, sent, échangeons des recettes et apprenons à appréhender autrement ce qui nous entoure... Une partie du groupe commence une bagarre-recyclage de vieilles canettes en métal sur de grandes meules de pailles. D’autres fouillent dans les légumes pour le repas du soir. Je disparai avec U pour se rouler et chuchoter dans des couettes, et voler quelques moments d’intimité au collectif

On essaie de filer de petits coups de main au mouvement croissant de solidarité avec des familles de sans-papiers. La préfecture a décidé d’expulser 300 familles et beaucoup d’instits et de parents d’élèves se mobilisent, avec des militantes des associations locales d’aide aux sans-papier qui ont une expérience assez riche mais aussi des souvenirs de luttes assez dures, et sont donc hésitantes sur les stratégies à suivre. La maison des associations nantaises est occupée depuis qu’une famille de sans-papier-e-s est venue y trouver refuge. Des personnes se relaient pour y tenir des permanences où l’on passe quelques temps. Mais quelques jours plus tard la Mairie profite d’un moment de creux pour faire hospitaliser la mère, enceinte, et mettre fin à l’occupation tout en tentant de montrer ainsi aux sans-papier-e-s qu’ils n’y sont pas en sécurité et que rien ne sert de se regrouper. C’est tendu. Il y a des occupations quotidiennes d’école pour protester, assurer un relais médiatique et sensibiliser. On débarque à l’une d’entre elle à malakoff, le ghetto hlm nantais. Notre bande de freaks s’assoient sur des petites chaises d’enfants dans une salle ensoleillée où des instits de maternelles, militant-e-s et mamans discutent du papa et du petit garçon que des flics sont venus attendre à la sortie de l’école, puis sont allés chercher jusque dans son appart et qui se cache depuis, comme un tas d’autres personnes. Des gamin-e-s traversent les couloirs sur des petits trycicles colorés. Un nombre croissant de parents hallucinent, se révoltent et font le gros de ce mouvement qui sort des circuits militants classique. La préfecture compte sur l’usure en laissant venir les grandes vacances. On essaie de trouver des voies complémentaires et montons en une journée avec le collectif no border local une action de théâtre de rue visant à faire connaitre la présence du centre de rétention de Waldeck en plein centre-ville et de visibiliser l’expulsion des sans-papier-e-s, que l’on met en scène avec quelques cages, panneaux, bout de classe d’écoles, barrages policiers et à grand renfort d’enthousiasme au milieu d’une rue passante. J’essaie de faire le préfet, soutenu par ses milices sarkoziennes. Des personnes du collectif de soutien sont venues distribuer des tracts et sont content-e-s que d’autre s personnes se bougent. C’est un peu chaotique et répété sur place, mais ça fait réagir. Le lendemain, on est parti d’un rassemblement de soutien aux sans-papier-e-s devant la préfecture en fabriquant et collant en douce des bulles sur les mannequins des magasins et les personnages des panneaux publicitaires. Les bulles annonceaient “si j’étais sans-papier, je vivrai traqué par la préfecture et la police”, “si j’étais sans-papier, je devrai me cacher pour ne pas être enfermé au centre de rétention du commissariat de waldeck !”.

Au cours de la semaine un squat féministe non-mixte est ouvert. Les filles de la caravane passent du temps là-bas pour filer des coups de main et faire profiter de leur expérience. Mais le rapport de force avec les flics et la mairie est difficile et les occupantes pas trop sûres de vouloir rester. Elles décident finalement de partir avant l’expulsion après une soirée publique et viennent s’installer sur le campement de la caravane.

Après une soirée de présentation de la caravane et de l’infokiosque à B17, on tente un débat public en petits groupes mixtes sur les modes de luttes antipatriarcales et la déconstruction des genres. Malgré la pub tardive, il y a vraiment plein de monde, pas mal du milieu militant et pas seulement. On sent que c’est une thématique qui intéresse fortement. Mon groupe de discussion, constitué pour partie de militantes féministes souvent impliquées dans des dynamiques non-mixtes, débat surtout de la difficulté, notamment pour les femmes, de construire en mixité à ce sujet, du ras le bol des positions paternalistes ou culpabilisantes des mecs sur les stratégies des féministes, et aussi un peu des collaborations possibles entres hommes et femmes. Je trouve intéressant de creuser et faire le point là-dessus, mais beaucoup ont par ailleurs trouvé le débat difficile sur cette thématique, surtout entre des personnes qui ne se connaissent pas bien et sans suivi assuré. On se dit au bilan que, malgré nos envies, ce n’est pas gagné de trouver des voies pertinentes de débats ponctuels en mixité sur le sujet.

Un programme quotidien d’activités corporelles (gym, tchi-kong...) a été mis en place entre caravaneuses pour développer d’autres types de rapports entre nous, jouer et se toucher. On fait notamment des exercices vocaux en vue d’une chorale de chants révolutionnaires qui part déambuler le soir de la fête de la musique avec un caddie de punch en soutien au campement no border et commence par s’enflammer devant les fenêtres de l’évêque responsable de l’expulsion d’un des récents squat nantais. Il y a eu aussi un atelier de danse-contact à B17. J’ai encore loupé et juste entrouvert une porte d’où provenait de la musique et aperçu des personnes enflammées dans des positions et mouvements incroyables et semble-t-il en proie à une sorte de transe passionée, qui fut d’après les témoignages directs un expérience particulièrement agréable.

Les péripéties de la caravane et un certain nombre d’activités paralllèles m’amènent à traverser quotidiennement nantes à vélo pour remonter le soir à travers les banlieues hlm, puis la zone industrielle high-tech et vide, avec pleins de jardins de science-fiction taillés et de couleur fluorescentes le long des voies de tram taguées de rose, puis les petits villages et routes de campagnes où l’on ne voit plus rien pour arriver enfin trempé de sueur au fond d’un champ autour d’un feu où devisent quelques personnes encore éveillées.

Après l’occupation du parc mistral cet hiver à grenoble contre la construction du stade de foot, il semble excitant de transmettre des techniques d’escalade en action et de réfléchir à de nouveaux projets de camps de résistance. On part donc à quelques un-e-s dans un parc public nantais lancer des cordes aux arbres et installer provisoirement un chemin aérien. Plus généralement, ces dix jours sont l’occasion d’élaborer des projets d’actions ou d’habitation en commun pour l’avenir avec les locaux et diverses ami-e-s d’ailleurs, venues nous rendre visite sur le campement.

Je m’éloigne cette fois pour ma part des activités potagères, mais une partie des caravaneureuses participent aux travaux ainsi qu’aux chantiers/repas hebdomadaires des jardins collectifs La carpothèque et l’infokiosque de la caravane connaissent un certain succès..

Un débat sur la sociologie est aussi organisé dans le vieux squat menacé de l’Usure. Des passioné-e-s en questionnement s’essaient à désacraliser la sociologie et à débattre des moyens pour qu’elle ne soit pas “une science répondant au besoin dela bourgeoisie pour comprendre les mouvement sociaux afin de mieux les pacifier” (comme disait george sorel au début du siècle.) mais un outil de lutte et de critique sociale.

A la fin de la semaine, N, après avoir reporté de jour en jour, doit partir pour deux mois d’animation. Il avait débarqué d’un coup au chantier à rennes sans connaitre du tout tout ce milieu militant. Malgré de forts doutes, incompréhensions, modes de communication éloignés, il s’est accroché à mort et nous aussi. On a finalement développé de fortes affinités avec lui qui dit de son coté que cette expérience l’a retourné. Il y a aussi le fait que J reste, malgré tous ses décalages avec les dynamiques du groupe et ses angoisses. C’est difficile mais aussi important pour elle et pour nous. Cette possibilité d’intégration et de rapports peut-être plus ouverts que dans des collectifs installés, parce que dans un cadre temporaire, me semble une des choses les plus intéressantes que l’on ait réussit pendant ce parcours.

Avant de quitter la ville, on part avec H se ballader en gueux, avec notre charette et des bidons, à travers la ville pour aller chercher de l’huile usée dans les kebabs, bars et restaurants bourgeois au milieu des gens qui discutent et dépensent leurs sous de la semaine aux restaurants et à la terrasse des cafés. 20 litres d’huile que l’on nous file sont encore tellement clean que l’on décide de les utiliser pour faire des frites plutôt que de les mettre dans le camion.

La veille du départ, je passe l’après-midi avec E dans un cimetière paradisiaque de véhicules éclatés et rouillés à démonter un pot d’échappement et rentrer complètement noir avec notre trophée, heureux de m’être concentré quelques heures sur un objet précis et quelques outils après cette semaine de course éffrénée. On apprend qu’à Angers, notre prochaine étape, un squat vient d’être ouvert par nos ami-e-s mais que la police municipale à détruit l’espace potager que nous avions occupé lors de l’action de guerilla jardinière un mois avant. Du coup, le s gentes des jardins remplissent ce qui reste d’espace dans le camion de plants afin de pouvoir le faire repartir à notre arrivée.

Le long des fleuves...

Encore un trajet magique, des petits chemins sur le bord de la loire, des îles peuplées de champs de cannabis et de chardons violets et de grandes collines de vignes avec des artistes post-soixantuitard-archeo-situationnistes qui exposent des collages et tableaux au bord de la route dans leur ferme. On a décidé de s’arrêter pour une journée de breaks complet au bord de la loire après des débats emportés avec U qui avait fondé un groupe de lobbying interne pour aller à la mer bien que c’était un peu la direction opposée sur la carte et aussi dans la réalité. Je reparle avec E avec qui l’on a pas mal porté ce projet entre les moments de théorie collective et la mise en pratique avant le départ. C’est toujours grisant d’arriver à concrétiser des rêves, mais on s’interroge sur notre milieu, sur les difficultés d’engagement et de responsabilisation, le manque de débats stratégiques sur comment changer le monde radicalement sur le long terme et le corrolaire de ne pas y croire vraiment ou de se créer des petites bulles desquelles on fuit quand les difficultés apparaissent, Je réfléchis à la manière dont l’on manque collectivement de recul et d’évaluation de ce que l’on a réussi au cours des années passées avec les contre-sommets, campements autogérés, réappropriations d’espaces, expériences d’action directe ou d’autonomisation, d’implication dans diverses luttes sociales ou de formalisme collectif anti-autoritaire. On pèse la force de détermination et d’utopies de lendemains chantants qui portait les générations passées à travers leurs idéologies révolutionnaires. J’espère toujours que la conscience précoce, dans notre parcours militant, des facteurs qui les ont poussé à se résigner ou à retourner leur veste, nous permettra de transcender ça et de continuer longtemps à construire des mouvements collectifs et rapports de force un tant soit peu conséquents, avec des bases arrières assez fortes pour ne pas tomber. Quel que soit le résultat, cela me semble de toute façon ce qu’il y a de plus excitant à vivre. Plus pragmatiquement, on parle de la nécessité que d’autres personnes reprennent ce projet de caravane pour ne pas s’encroûter dans des rôles de pouvoir. (...) Vu que l’inégalité créée par notre implication passé semble s’être pas mal invisibilisée depuis le départ ....cela semble peut-être bien parti. On s’est trouvé un pré isolé et accueuillant. Des gentes se baignent tranquillement dans la loire après avoir une joie perverse toutes les maladies contagieuses et radioactives possibles et imaginables qu’ils/elles pourraient y choper, d’autres visent des barques abandonnées avec un lance-pierre, répétent des noeuds d’escalade, jouent de l’accordéon. On se fait des frites au feu de bois, des câlins, des parties de loup-garous et des lectures collectives. On passe aussi quand même pas mal de temps en réunion à décortiquer méticuleusement ce que l’on a vécu jusqu’à maintenant et ce que l’on va faire après. M du festival permanent contre les lois racistes de strasbourg nous rejoint, V doit partir et on passe un bout de la nuit à tchatcher tous les deux en regrettant de l’avoir fait si peu malgré les trois semaines passées ensemble . On espère à une prochaine fois, bientôt....

Le lendemain, on se retrouve à réparer les vélos et camions, total à l’arrache, au bord de la route dans un moment tragique où tout en même temps se met à casser, les chaînes, les dérailleurs, pédaliers, les durites d’où partent de grands jets 50% huile 50% gazoil.. On se dit que la caravane va peut-être vraiment s’arrêter... mais on finit par se débrouiller avec des boîtes de conserve, des élastiques et en prenant des bouts d’un camion pour mettre sur l’autre.

Une baraque à Angers...

On arrive à angers dans le squat fraîchement ouvert de la "la barak" dans le quartier de “la Doutre”, encore un quartier populaire en train de se faire laminer au bulldozer. Même que de mémoire de révolutionnaire angevin, c’est le premier squat revendiqué d’activité/habitation dans cette bonne ville sociale-démocrate-bourgeoise à gogo et non moins répressive. En plus c’est une grande maison de médecin avec 18 pièces et jardin, et trois poissons qui ont survécu à un isolement de trois ans dans la solitude des vieilles demeures abandonnées, entourés de faux arbres en béton et d’un tunnel de vrais bambous.

C’est d’autant plus intéressant que la maison est à deux pas du potager squatté de la guerilla jardinière qui a malheureusement subit une attaque destructrice de la police en guerre contre les tomates, les patates (encore que les patates étant sous terre, elles ont moins ramassés) et les cabanes qui commençaient à s’installer sur le terrain... Mais l’extroardinaire détermination des locaux, la solidarité et les plants des jardins collectifs de nantes, ainsi que la colère montante dans le voisinage ont permis à ce potager encerclé de tenter une renaissance... et à la ville de s’essayer à une petite danse hésitante et boîteuse entre répression et tentatives de récupération.

On sent assez immdiatement que notre expérience d’installation dans des lieux, le matos que l’on apporte et le simple fait d’être un groupe de personnes motivées en renfort sur une projet naissant sont extrêmement utiles dans les circonstances présentes. Les gentes de la barak sont emplis de l’excitation contagieuse de la nouveauté et ont des masses de projets fous. Il y en a une partie que l’on connait depuis un moment, d’autres que l’on découvre. On s’entend dans tous les cas assez à merveille, malgré leur mode de fonctionnement beaucoup plus rock’n’roll et spontané que le nôtre. De fait, le groupe caravane se dissout assez vite pour fusioner momentanément dans un collectif hybride. Peut-être même trop parce qu’il devient difficile au cours de la semaine de se capter et de s’organiser en tant que groupe caravane, ce qui finit par créer quelques frustrations.

Dans la foulée de notre arrivée, le potager est réinvesti avec les nouveaux plants venus de Nantes.

Les jours suivant sont passés à s’activer sur le barricadage de la maison (les flics ne sont pas encore passés), ainsi qu’à des ateliers juridiques et échanges de savoir pratiques sur les installations d’eau et d’électricité. On nettoie les chambres, et récurons les murs, on sort des sacs de déchêts et de gravats, réaménageons le jardin, décorons et mettons en place un atelier, un infokiosque et une zone de gratuité. On colle des avertissements légaux sur les portes et envoyons des lettres recommandées aux propriétaires pour les obliger à en passer par la case procès. Il y a un premier repas avec les voisins qui est organisé, à la suite duquel on présente la caravane et essayons d’établir un programme d’activités avec les personnes présentes, en fonction de leur disponibilités et intérêts. Les locaux nous proposent notamment un atelier sur le langage des signes et un détournement du petit train de visite touristique locale.

Un couple d’adorables petits vieux de 70 ans, à adopter cash comme grand-parents, m’ont abordé en tremblant un matin sur le trottoir à coté du squat pour dire que tout ça c’était la révolution dans le quartier, et que même si il y avait plein de vieux cons qui bougonnaient ou ne comprenaient rien, ben qu’eux, ils soutiendraient jusqu’au bout et qu’ils n’allaient pas faire comme les balances de voisins à appeler la police. Après on a engrainé sur d’autres sujets et notamment qu’il n’y avait pas d’âge pour brûler sa carte de la CFDT et parlé de la trahison sociale et tout et tout (je suis parfois pris d’amour fou pour mes aîné-e-s).

Il y a un autre voisin bizarre et fan de la barak, un prof de philo qui a passé la moitié de sa vie en hp et qui nous invite à prendre des douches dans son appart über-crust de mâle célibataire. Un autre prof, maître de conférence à l’université, passe voir la présentation de la caravane, feuillette des brochures sur le sabotage publicitaire et écrit un témoignage de soutien en vue du procès.

Je sors avec espoir pour prendre une douche chez L, mais l’on est immédiatement rappelé en urgence au milieu parce que les flics sont devant la maison. Le maintien du squat n’est pas gagné et cette initiative nouvelle dans le paysage politique d’angers semble totalement intolérable aux propriétaires des lieux (la mairie par l’intermédiaire d’une entreprise urbanistique publique/privée) et policiers. Ceux-ci étant en effet habitués à virer manu-militari, en toute discrétion et sans autre formes de procés, les divers pauvres s’emparant de maisons laissés vides. Les municipaux veulent entrer mais ne peuvent agir seuls, ils appellent des flics nationaux qui font les jeunes cools et nous donnent raison quant à la nécessité de procès. Les flics municipaux ne les croient pas bougonnent, et somment les chefs de la nationale de venir sur place. Il faut dire que c’est la même fine équipe qui s’était fait humilié en tentant sans succès d’arrêter un manifestant lors de la guerilla jardinière. Un dialogue tendu s’engage pendant que des martèlements et entôlages nous informent que les travaux de barricadage s’accélèrent à l’intérieur. Mais cette fois, un rapport de force avec une maison bien protégée, une trentaine de personnes en soutien à l’extérieur, d’autres aux fenêtres, déterminées et connaissant les lois mieux que les officiers présents, finit par les faire se résigner à en passer par les voies juridiques...et par créer un précédent utile à l’avenir. Après qu’on lui ait embrouillé le cerveau, le représentant de la Mairie semble vouloir lâcher l’affaire, mais les officiers de police présent, rageurs de s’être déplacés et d’avoir passé un bout de l’après-midi à menacer, et à attendre, sans résultats, se vengent (assez mesquinement de leurs propres aveux) en embarquant E pour détention d’arme de guerre du fait qu’un morceau de masque à gaz utilisé pour du théatre de rue était visible à l’intérieur de son camion. - Quelques citations : “il faut connaitre ses droits mais aussi ses devoirs “, “vous êtes procédurier, hé bien on sait l’être aussi”, “ceci est une arme de guerre”. La scène était assez burlesque puisque la personne en question descend à une corde en rappel depuis la façade de la maison barricadée, sous le regard énervé des officiers, et amusés de quelques flics sosdems encore présents. Magré une garde à vue d’une quinzaine d’heures, le prétexte était assez ridicule pour qu’I ne soit pas l’objet de poursuite. Sa garde à vue lui permet par contre de rencontrer un avocat commis d’office dont le frère, intermittent du spectacle, s’est fait péter la geueule dans un manif par les CRS et qui s’annonce très motivé pour défendre le squat. On prend rendez-vous et on lui amène de la doc. juridique pour le former un peu.

L’infokiosque est régulièrement dévalisé ce qui est plutôt bon signe si ce n’est qu’il faut passer des après-midi dans des magasins de photocopies , sans compter le filtrage d’huile ou les réparations des vélo et des camions, qui émergent comme activités intemporelles de la caravane...- tous comme les ateliers de chi-kong enflammé de l’ami P qui connaissent un succès grandissant avec quinze personnes qui dansent et font des gestes bizarres le long de la rivière devant le squat.

Le dimanche on fait un échange sur l’autogestion avec les gentEs de l’étincelle. Ils/elles gèrent un lieu associatif nés lui aussi du mouvement des chômeureuses, organisent des concerts punk/hardcore indépendants, s’impliquent dans le réseau No Pasaran ou dans la lutte locale contre la construction d’un incinérateur. C’est génial parce que l’on se comprend hyper bien sur les enjeux de gérer un lieu avec divers collectifs ou d’organiser des soirées publiques et échangeons désillusions, espoirs, stratégies et recettes formalistes à partir notamment de notre expérience dijonnaise. U et M du fesival permanent contre les lois racistes font ensuite une projection d’”un mumia des mumias” qui fait le parallèle entre le cas mumia abu jamal et les politiques néo-colonialistes en france en donnant la parole aux acteureuses des luttes des banlieues.

Il y a à Angers un collectif anti-carcéral qui commence à s’activer et avec qui l’on décide de subvertir une action de protestation d’Amnesty International contre la peine de mort aux Etats-Unis.

Une trentaine de personnes sont réunies autour d’un stand d’information et s’apprêtent à s’allonger au sol pour un die-in sur la place centrale d’Angers. Deux binômes avec une personnne debout sur les épaules de l’autre accroche alors une immense banderole “toutes les prisons sont des couloirs de la mort” à une espèce de toit en plein air au dessus d’une terrasse de bar, juste derrière le rassemblement, tandis qu’un autre groupe déverse des litres de faux sang très réaliste sur les marches de la place et installe une stelle avec les noms de personnes victimes de bavures policières ou “suicidées” en prison en France. Un tract abolitionniste sur la prison est distribué. Notre mise en scène étant assez réussie, les journalistes et télés présentes croient que nous avons globalement organisé l’action et nous interviewent. On en profite pour parler des prisons françaises. Au final, les gentes d’Amnesty avec qui nous parlons sont assez contentes, Ils/elles n’auraient pu se permettre de le faire eux-même vu leur exigence de neutralité vis à vis de l’Etat français mais se déclarent assez en accord avec notre message.

On est encore rejoint sur cette étape par diverses ami-e-s et un deuxième repas avec le voisinage est organisé. Je tente un break sommeil. Mais l’on vient me tirer du lit parce qu’un spectacle participatif doit commencer dans la cave et qu’il faut exactement 28 personnes. Je suis. J’arrive comme dans un rêve et cotonneux dans un lieu sombre où je ne vois pas les gens, et l’on me met un casque avec une diode sur la tête. Je me rend compte que tout le monde a un casque similaire et se trouve relié par des cascades de fils emmêlés et reliés à deux vélos qui nous font face, à coté d’une guérite où est disposé une table de mixage reliée elle aussi aux vélos. J’ai droit aussi, comme tout le monde, à un petit pupitre et à une feuille annotée de suite de phrases étranges. Je me trouve bel et bien pris au piège du légendaire “dictatorgue”. Vient ensuite un long moment qui surfe sur les limites de la patience collective puisqu ’il faut trouver des personnes pour compléter l’équipe et qu’à chaque fois que l’une d’entre elles arrive un autre disparait. Après diverses réparations complexes de fils et diodes qui prolongent le suspense, deux personnes finissent par s’installer sur les vélos et commencent à pédaler pesamment sur place. Un chef d’orchestre vient à la console et allume à tour de rôle les diodes des personnes présentes qui doivent alors lire par série une des lignes de leur feuille de texte. On se met alors à composer un cadavre exquis sonore et poétique à 28 voix rigoureusement dirigé par le dictatorgue avec des têtes étranges qui s’allument à tour de rôle puis ’éteignent. Je ne sais pas trop si je suis vraiment sorti de mon lit.

Deux jours avant notre départ, et malgré quelques promesses fumeuses d’une première adjointe au maire, venue sur les lieux avec la presse, pour déclarer qu’il fallait mettre ce potager aux normes de sécurité ou qu’il disparaisse, le potager est de nouveau détruit par un tractopelle d’un chantier municipal avoisinant, sur ordre du patron et donc en toute logique de la mairie. On se réunit pour discuter de comment réagir. Un artiste soudeur vient avec des photos d’un arrosoir en métal géant qu’il a construit pour l’occasion et qu’il veut implanter dans le terrain vague lors d’un week-end de résistance.

Finalement, les bureaux des adjoints et du maire sont occupés soudainement un matin et des centaines de tracts de protestation distribués aux divers employé-e-s municipaux. C’est l’occasion d’une intrusion impertinente dans l’antre des patrons de la villes et de quelques débats animés avec le premier adjoint au maire et le responsable de la police municipale, tout deux très surpris et ostensiblement gênés de cette irruption inopinée et de ces individus qui avaient l’audace de venir les mettre face à leurs actes et aux contradictions entre leur propagande citoyenne et participative et leurs politiques d’urbanisme sécuritaire guidées par la rentabilité, le développement capitaliste et le souci de contrôle.

Comme nous n’attendons pas grand choses de cette rencontre, si ce n’est de leur montrer que nous n’allons pas les laisser détruire nos initiatives sans réagir, s’attaquer aux leurs et exposer publiquement leurs actes aux angevin-e-s, l’occupation s’achève avec une sortie collective marquée par un déversement de compost de légumes et de défecations humaines à l’extérieur de la mairie. L’entrée de la mairie est bondée de badeaux et depoliciers puisque c’est le jour de l’arrivée du tour de france dans la ville. Nous disparaissons dans les ruelles...

Traversée et retour...

C’est la fin. Après l’occupation de la Mairie, on part d’un coup en stop en binôme au mileu de l’arrivée du tour de france et ses centaines de sponsors qui ont envahi les rues . Je m’embarque plein d’optimisme pour une nouvelle traversée est-ouest en fin d’après-midi avec C que je connais encore peu, si ce n’est par quelques moments d’escalade en commun, des bouts de chantiers et de rencontres sans-titre. Le stop nous offre cette fois pas mal de temps. On se découvre en escaladant des grilles après s’être fait jeter de péages, pour traverser des hypermarchés vides et détruits, comme après une crise de manque d’un enfant mutant dans akira. On recherche minitieusement à toujours changer de stratégie de séduction et de sensibilisation de l’automobiliste, dès que cela ne marche pas. On parle du sens du monde et des possibilités d’éthique collective au milieu de la france, sur un rond point où trône un grand avion vide qui ne nous amènera plus nulle part, immobilisés à onze heure du soir dans la ville néant de l’autostop : Tours.. Heureusement les connaissances tentaculaires héritées de la scène DIY et de la fédération anarcho-punk nous sauvent en ambulance et nous font miraculeusement atterir dans un appartement de son antenne locale avec un plat de pates au pistou. Nous projetons quand même de créer un wiki pour noter pointilleusement nos expériences de stop, les pires coins et les meilleurs afin de s’en souvenir et de servir aux suivant-e-s. On finit par s’en tirer joyeusement après un jour et demi de sorties de villes et de routes pluvieuses, un curé de campagne débutant avec qui l’on débat des fondements de la discrimination genrée dans son métier et qui nous invite chez lui , un directeur de collège qui peste conre la technologie et le contrôle social avant d’annoncer qu’il va faire installer des caméras miniatures dans son établissement à la minute où l’on descend de sa voiture, un trentenaire loup commercial qui a retourné sa veste depuis son passé de zonard, un jeune mec gentil dont la vie était tellement vide qu’il est devenu militaire et nous parle du kosovo comme si les gentes là-bas était des extra-terrestres, et plein d’autres rencontres insolites qui n’appartiennent qu’au stop. .. On arrive à la maison pile pour les quatre derniers morceaux de robotnicka, courrons dans la salle de concert , où nous balançons nos sacs pour danser avec nos ami-e-s sur des hits electro-emo-disco-punk. Il faut dire que ce concert du groupe culte d’un des mes co-squatteurs incarnait la friandise incertaine au bout du voyage depuis notre départ.

C’est génial de revoir un peu la grande maison et les vieux ami-e-s, et puis on repart en convoi à Belgrade dans trois jours... même que c’est chouette la vie, le nomadisme, les vieilles images, les yeux et la tête. Peut-être que tout ira malgré tout...

nov 04 / contact collectif : caravanepermanente@squat.net